L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
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PRÉLUDE
Il est probable que le monde n’a jamais autant changé que depuis
un siècle : la population de la planète a quadruplé, l’espérance de
vie de ses habitants a doublé, leur consommation moyenne a plus
que décuplé, le nombre moyen de kilomètres parcourus par chacun
a peut-être été multiplié par cent. Pour la première fois l’individu,
libéré des frontières de sa famille, de son clan, de son village, de son
pays et de sa culture, est confronté à la totalité du monde tout en
ayant accès à la quasi-totalité de l’information disponible, celle des
vivants comme celle des morts et de leur histoire.
Mais toutes ces courbes de croissance exponentielles sont promises
à un retour de manivelle à leur mesure, une sorte d’exponentielle
descendante qui prête son flanc à l’exponentielle ascendante avec au
centre notre génération. Déjà, les courbes démographiques se sont
inversées dans presque tous les pays avancés (la France étant l’une
des rares exceptions). Déjà, confrontés à des limites écologiques ou
naturelles inédites, les pays avancés se sont engagés dans un cycle
de décroissance ou plus exactement de progrès
qualitatif
en guise
d’alternative. Déjà, les déplacements se réduisent partout où c’est
possible, encouragés par des technologies qui facilitent la vie sociale
ou le travail à distance. Une hyperbole descendante est adossée,
comme un dossier de chaise, à l’hyperbole montante.
Les géologues annoncent pour environ 2015 le pic de Hubbert du
pétrole, c’est-à-dire le moment où la moitié des réserves auront été
épuisées et où les prix commenceront à grimper irrémédiablement
sous l’effet conjugué de la raréfaction de l’offre et de l’explosion de la
demande asiatique. Ce pic géologique devrait être synchronisé avec
des pics économiques et sociaux, des sortes de points culminants de
la consommation et de la protection sociale. Bien entendu l’Europe
et l’Amérique conserveront un peu d’avance sur l’Asie et l’Afrique.
Mais, à terme, le constat sera le même pour tout le monde : il faudra
faire un choix entre l’Économie et la Démographie – ou continuer à
se reproduire comme des lapins ou continuer à consommer comme
des cochons. Cela supposera un changement de culture radical et
l’émergence d’une civilisation nouvelle, mondiale, une civilisation de
