Dictionnaire des mots en voie de disparition - page 146

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D
ictionnaire
des mots
en
voie
de
disparition
N
ations
Un paradoxe politique
La nation, au sens économique et monétaire, est déjà rangée au cimetière
des anachronismes : la mondialisation est depuis longtemps une réalité
pour l’industrie, le commerce, la circulation des hommes et des capitaux.
Toutes les économies du monde sont aujourd’hui enchevêtrées. Certains
pays comme la Belgique, les Pays-Bas…ou la Chine exportent aujourd’hui
plus de la moitié de leur économie.
D’une façon plus générale, la notion de frontière ne veut plus dire grand-
chose lorsque votre mobile vous permet d’avoir accès immédiatement
à la quasi-totalité de l’information des vivants et des morts et que tout
le monde peut communiquer immédiatement et gratuitement avec
tout le monde dans un anglais écrit, même approximatif. Si la nation a
aujourd’hui encore un sens, c’est essentiellement en termes ­politiques,
même si en Europe, par exemple, cette notion tend elle-même à
­s’estomper chaque année un peu plus.
Dans ce contexte, on pourrait donc penser que le nombre de pays va
aller en diminuant. Or, c’est l’inverse qui se produit. 44 nations seulement
étaient reconnues en 1850. Elles étaient 60 en 1938, 108 en 1963. Au
31 juillet 2003, il y avait 192 pays dans le monde. Le nombre des nations
augmente donc en même temps que le concept de nation perd de son
sens. Pourquoi cet étrange paradoxe ?
La réponse semble assez évidente quand on observe ce qui se passe
aujourd’hui en Belgique (où la Flandre prospère veut prendre son indé-
pendance) et en Italie (où la Ligue du Nord veut cesser de payer des taxes
pour le compte d’un Mezzogiorno qui a bien du mal à décoller). Les
riches préfèrent aujourd’hui rester entre eux dans des quartiers protégés
(ce qu’on appelle en Amérique du Sud des
barrios privados
) ou refouler
les pauvres dans des ghettos où ils n’auront qu’à se débrouiller entre eux
(comme le Swaziland et le Lesotho, enclaves de misères au cœur de la
république d’Afrique du Sud). Ces séparations nouvelles induisent des
nations purement politiques, tandis que les ressources matérielles et
culturelles ignorent de plus en plus les frontières.
Les principautés barbares
Ce qui est tout à fait remarquable, c’est que les nouveaux États qui
apparaissent depuis la décolonisation sont rarement vastes, puissants,
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