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D
ictionnaire
des mots
en
voie
de
disparition
un jardin. Jardin public ? Jardin privé ? Sans doute un peu des deux. On
n’abandonne jamais l’ambiguïté qu’à son détriment. Surtout en marke-
ting. Jardin à l’italienne ou à la française avec des formes géométriques
dessinées à l’équerre ? Jardin à l’anglaise ou à la japonaise avec une ap-
parence de négligé, comme une coiffure chic ? Sans doute un peu des
quatre. Le mélange des quatre saisons a le don de satisfaire toutes les
clientèles. Regardez les pizzas.
Dans tous les cas, l’entretien d’un jardin coûte fort cher et, comme pour
toute entreprise saine, la gestion d’un jardin exige des ressources à la
hauteur des charges qu’il occasionne. Comme les États seront de moins
en moins solvables, vers qui se tourner sinon vers le consommateur, c’est-
à-dire l’amateur de cerisiers du printemps et des papillons de l’été ?
La Nature va donc elle aussi devenir une denrée monnayable. Il va lui
falloir devenir productive et rentable.
Certes pour les habitués, un Pass autorisera la visite régulière, sans queue
fastidieuse aux guichets, à l’exception peut-être des périodes de fêtes qui
exigeront un supplément spécial. Le principe même du Yield Marketing
repose en effet entièrement sur l’idée simple de moduler le prix en
fonction de la période et des pics de fréquentation. Si l’on veut profiter
de l’ombre apaisante des grands chênes, il faudra donc, si l’on souhaite
un prix très attractif, privilégier les matinées de novembre, de préférence
les jours de semaines où il pleut. Et si l’on souhaite participer au bour-
donnement laborieux des abeilles, pourquoi ne pas profiter des nuits
rafraîchissantes de janvier ?
Sachons profiter des produits « naturels ».