L’art de se faire des ennemis
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heureux n’est pas un amour wagnérien. La recherche de
l’absolu conduit droit en enfer. L’amour le plus viable,
c’est encore l’amour le plus humain, celui que nous
appellerons l’« amour avec des si... » ou encore l’« amour
conditionnel ».
Là où l’économie prospère, ce n’est en effet ni dans les
pays chauds, ni dans les pays froids, mais dans les pays
tempérés où le climat varie d’un jour à l’autre. Là
où l’échange humain est le plus vrai, le plus positif,
le plus durable, c’est dans les relations ambivalentes,
incohérentes et compliquées, faites de tendresse,
d’agacement, d’intérêt, voire d’hostilité mélangés.
L’amour constant immobilise. L’amour absent déstabilise.
L’amour conditionnel est formateur. Non seulement
il oblige à se poser des questions et à se remettre en cause,
mais encore il se positionne dans cette frange ambiguë
entre l’être et le non-être où se loge l’émotion d’exister.
En résumé, il n’y a que deux sortes de relations : celles
que nous détruisons un jour ou l’autre parce qu’elles
ne nous conviennent pas et celles qui nous détruisent
doucement, et donc nous construisent un peu plus
chaque jour.
Si vous souhaitez vivre et faire vivre des relations heu-
reuses :
Aimez dans la nuance.
Si vous souhaitez couler le bateau :
Collez 24 h/24 l’être que vous prétendez aimer.
Exigez de participer à tout ce qui constitue son
existence.
Et faites-le participer à tout ce qui constitue la
vôtre.