L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
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I
schémas éphémères en recomposition permanente. Partout le ET se
substitue au OU. L’inclusion devient la règle, l’ambivalence, la pratique
ordinaire. La croissance (des services) coexiste avec la décroissance
(industrielle). La relocalisation (du travail) se superpose à la mondialisa-
tion qui se poursuit (dans les échanges). Le développement économique
appelle le développement de la personne.
Les idéologies – que nous pourrions appeler les idéo-structures – finissent
tôt ou tard par s’aligner sur les nouvelles infra- et socio-structures. Une
nouvelle carte des vertus et des vices se dessine. La rigidité (qui refuse
la métamorphose), l’égocentrisme (qui refuse l’intégration) et le mo-
nolithisme (qui refuse l’ambivalence) deviennent des péchés capitaux.
Inversement devient une vertu cardinale l’accueil au changement, au
dépassement de soi ou à la contradiction. Le sens des nuances devient
une condition de survie de même que le sens de l’humour ou celui de
la précarité des choses. Comme « l’ humaniste » était un idéal pour le
xvi
e
siècle, « l’honnête homme » pour le xvii
e
, le « philosophe » pour le
xviii
e
, l’« industriel » pour le xix
e
et le « manager » pour le xx
e
, le xxi
e
siècle
proposera en modèle un personnage nouveau dont on ne connaît pas
encore la dénomination exacte mais qui pratiquera sans doute assidument
la réinvention de soi, le cosmopolitisme, l’acclimatation sans chichi à des
milieux nouveaux, le goût de la déconstruction-reconstruction.
« L’Authenticité », c’est-à-dire la fidélité à son caractère, se révélera éga-
lement indispensable car elle est bien le seul support sur lequel pourra
prendre appui l’individu désormais séparé de sa tribu.
Cette authenticité exigera, surtout dans la seconde moitié de la vie,
une qualité complémentaire, la « Maturité », qui consiste à nuancer ses
impulsions en fonction des contextes.
D’une façon générale, plus vous serez habile à vous métamorphoser de
l’intérieur (dans le respect de ce que vous êtes vraiment), même et surtout
lorsque vous vieillirez (alors que votre résistance au changement devrait
naturellement s’accroître), plus vous profiterez des turbulences du futur
proche plutôt que d’en être la victime. Sinon vous deviendrez un expert
dans
l’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
.
De cette contradiction (apparente), entre la détermination à réaliser
votre destin et l’aptitude à adapter votre chemin, dépend le bonheur
que vous pourrez recevoir et offrir tout au long de cet étrange xxi
e
siècle,
qui offrira l’une des générations les plus mouvementées mais également