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D
ictionnaire
des mots
en
voie
de
disparition
Auschwitz, Hiroshima, la grippe H1N1, un milliard d’affamés, le chan-
gement climatique, la disparition des hydrocarbures, la fin du monde,
l’absence d’espoir. On peut se consoler en se disant que le Moyen Âge
n’était pas mieux et que tout âge a connu ses Cassandre, ses oiseaux de
mauvais augure. On peut se rassurer en se disant que nos scientifiques ne
tarderont pas à découvrir des énergies de substitution.
Des énergies de substitution aux hydrocarbures, il n’y en a à vrai dire
pas beaucoup. La fine fleur de la Chevalerie scientifique ne cherche pas
autre chose, en vain, depuis près de quarante ans (1973 : premier choc
pétrolier). Et, avec le dépassement du « pic de Hubbert », les réserves de
pétrole sont déjà à moitié épuisées : il n’y en a plus que pour quarante
ans à peine. Le gaz, puis l’uranium et le charbon atteindront leurs limites
quelques décennies plus tard. Si l’on considère l’horizon à un siècle
et non pas à dix ans, il n’y a en vue aucune solution pour continuer à
mener bien longtemps le train de vie énergétique dont nous bénéficions
aujourd’hui. Le moteur électrique et les batteries à hydrogène ne règlent
aucunement la question car elles n’offrent que des vecteurs énergétiques
qui s’alimentent eux-mêmes aux énergies fossiles. Il a fallu 100 millions
d’années pour produire les stocks d’hydrocarbures que détenait la
Terre aux environs de 1800 ; 100 millions d’années de Soleil reçu par
toute la biosphère : plantes, planctons et animaux, dinosaures compris.
En 200 ans, nous en avons dépensé environ la moitié. Au rythme actuel
de consommation, les caisses seront vides aux alentours de 2050.
Ce qui aggrave encore considérablement les choses, c’est le paramètre
démographique. Au commencement de l’exploitation des hydrocarbures,
au début de la Révolution industrielle, la population du monde flirtait
avec le milliard. Deux siècles plus tard, nous en sommes à 7 milliards alors
que dans les deux mille ans précédents, la population n’a que doublé.
Comment cela est-il possible ? La solution est donnée par l’impact de
l’énergie sur la productivité qui impacte l’économie, qui impacte la
démographie. Quand les ressources en énergie explosent, la population
explose.
Ces 7 milliards d’habitants partagent tous un rêve merveilleux : avoir la main
sur autant d’hydrocarbures que vous, l’Occidental, pour pouvoir à leur tour
disposer d’une automobile privée (et pourquoi pas d’un monospace pour
Madame ?), pour pouvoir bien chauffer leur maison en hiver et passer de
merveilleux réveillons de Noël à se raconter de belles histoires et à déballer
des dizaines de cadeaux en plastique, c’est-à-dire en pétrole, transportés
depuis la Chine au moyen du pétrole. Ce rêve est-il réalisable ?