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D
ictionnaire
des mots
en
voie
de
disparition
pendant que les parents discutent des travaux dans l’appartement ou de
la prochaine présidentielle.
Le jeu a par ailleurs une fonction consolatrice contre la solitude des
temps individualistes. Il permet de meubler le vide de l’oisiveté, de fixer
l’esprit des angoissés qui recherchent désespérément le sens de leur vie
insensée, de compenser l’abandon des cœurs injustement brisés. C’est
pourquoi il devient progressivement indispensable à tous les âges, tous
confrontés au désarroi de la culture du vide. Le divertissement, comme
jadis la télévision, se pose comme le seul recours à l’incompréhensibi-
lité d’un monde où vous ne trouvez plus votre place (ce qui est normal
puisqu’elle n’existe plus).
Enfin, l’industrie de la distraction offre des perspectives de croissance
économique infinie. Si le jeu est précieux pour ceux qui le consomment,
il l’est bien plus encore pour ceux qui le produisent. Car si on connaît les
limites physiques d’un estomac ou d’une paire de jambes, personne n’a
jamais sondé celles du besoin de rêver. L’avenir d’une économie bloquée
dans son développement matériel trouve une issue logique dans l’imagi-
naire (peut-être aussi dans la relation amoureuse redéfinie comme le jeu
de prédilection des adultes).
Cet imaginaire immatériel n’implique plus l’utilisation massive de matière,
comme jadis le plastique (c’est-à-dire du pétrole), au pied de votre sapin.
Les cadeaux de Noël seront plus des expériences à vivre que des objets
à entreposer dans le fond d’un placard. La location remplacera d’autant
plus facilement l’achat qu’elle permet de renouveler l’excitation de la
découverte, en même temps qu’elle libère des coûts de stockage et de
recyclage.
Le jeu testé va remplacer progressivement le jouet acheté, qui disparaîtra
donc progressivement du dictionnaire de l’Académie française pour faire
son apparition dans celui-ci.
