L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
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découvrir toutes les subtilités de l’orthographe française quand le globish
suffit à ouvrir toutes les portes ?
Il n’est pas interdit de penser qu’une langue principale est aujourd’hui en
train de prendre la place de toutes les autres.
La fin de la langue unique
Le globish devra pourtant cohabiter avec d’autres langues au sein de
chaque communauté, au sein de chaque cervelle, au sein de chaque
discours. Une langue universelle est indispensable pour s’universaliser. Des
langues spécifiques sont indispensables pour se différencier et s’adapter
aux différentes tribus (géographiques ou professionnelles) auxquelles on
appartient. Les dialectes localisent dans l’espace, les jargons permettent
l’exercice d’un métier, le niveau de langue montre la caste à laquelle on
appartient. Avec le développement de la multi-appartenance, le multilin-
guisme se généralise.
Une langue universelle et simplifiée au centre ; une multitude de grilles
linguistiques à la périphérie.
Les langues du siècle à venir ne seront donc plus aussi étanches qu’hier.
Fécondées mutuellement entre elles au sein des millions de cerveaux
qui les feront co-fonctionner, elles s’entrepénètreront. Déjà on pratique
au Brésil le portugnol (portugais + espagnol) et en Inde l’hinglish
(hindi + anglais). Il n’est pas rare au cours d’un repas de famille à Bruxelles
de mélanger allègrement le français, le flamand, l’anglais et l’allemand.
Les communautés musulmanes de France fusionnent couramment
le kabyle, le français, l’arabe, l’anglais et le verlan au sein d’une même
conversation. Les frontières entre les langues deviennent de plus en plus
confuses. Les logiciels de traduction ne cessent de progresser. Les langues
se confondent comme les fleuves dans la mer.
Chacun réinvente désormais chaque jour sa langue personnelle. C’est une
bonne chose pour la créativité que stimulent des associations inatten-
dues. C’est une moins bonne chose pour la fluidité des communications
et la cohésion des communautés. La langue officielle, cautionnée par
l’Académie, même française, n’existe plus.
On peut également se demander si l’avenir de la communication ne se trouve
pas dans les images plutôt que dans les mots. Demain, la communication