saturation est depuis largement dépassé, et nous ne rete-
nons pas un dixième des trois ou quatre cents messages
publicitaires qui nous interpellent chaque jour. La concurren-
ce internationale se fait chaque jour si féroce que c’est pour
une entreprise une question de survie que de savoir être plus
voyante encore que les autres.
Par ailleurs, le pouvoir de conviction des médias devient
chaque jour un peu plus irrésistible. La télévision accrochait
l’œil beaucoup plus que le livre sans image. Il est très diffi-
cile, quand le téléviseur est allumé dans la salle à manger,
de résister à la fascination de l’écran et de lui préférer la
conversation de sa femme, de son mari ou de ses enfants.
L’apparition de la vie virtuelle entreprend de nous faire faire
un bond plus décisif encore. Il n’y aura plus moyen, dans un
demi-siècle environ, de faire la différence entre la vie réelle
et la vie virtuelle, étendue à une très haute résolution en
trois dimensions, à l’olfactif, aux mouvements, à la tempéra-
ture et même aux perceptions extrasensorielles.
Dans chaque maison, dans chaque appartement, un nouvel
appareil sera venu se substituer à la télévision : le «
stimu-
lateur domestique
». Le stimulateur ressemblera peut-être
à une baignoire, un sarcophage ou, plus vraisemblablement,
à une sphère d’environ 1 m 50 de diamètre, mobile dans
tous les sens à partir de son centre. On s’y installe conforta-
blement pour prendre une leçon d’anglais, faire un petit
voyage en Australie, dans les étoiles ou dans le dernier long
métrage d’Hollywood ou simplement pour assister au jour-
nal de 20 heures, à ceci près que l’on y vit les reportages
en direct : aux côtés des rebelles en sueur, mitraillette sous
le bras ou assis à la table d’honneur de la réunion du G8.
Vous pouvez même partager la soupe des rebelles ou la lan-
gouste du président : le stimulateur est également un
remarquable cuisinier. Il passe lui-même commandes des
ingrédients nécessaires à un robot mobile. Comme c’est
aussi un comptable avisé : vous pouvez être tranquille qu’il
L’art de se faire des ennemis
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