L'art de se faire des ennemis - page 50

Une fois que la relation est née, elle commence à se
détruire. Ceci est une loi à laquelle rien n’échappe. On
parle en géologie d’érosion naturelle, en comptabilité
d’amortissement, en politique d’usure du pouvoir, en
diététique de pourrissement, en physique d’entropie, en
littérature de désuétude. Toute relation abandonnée à
elle-même s’érode, implacablement, comme du fer qui
rouille sous l’effet conjugué de l’air et de la pluie.
Très vite, en toute chose, la routine s’installe et tue discrè-
tement. On allume la télévision pour un temps indéter-
miné. Et puis on s’habitue progressivement aux êtres qui
vous entourent comme à de vieux meubles qu’on ne voit
plus. Que ce soit l’Everest, une jolie chanson (
My way
), le
diable ou un Extra-terrestre pourvu de 26 bras et d’un
grand œil jaune et vicieux, une cohabitation intensive de
trois ans fait qu’on ne perçoit plus rien. Les fulgurances
ont disparu, les regards de feu, les intonations parlantes.
Le drame de la cohabitation quotidienne fait qu’elle
détruit inexorablement la relation par le seul fait du
temps qui passe. L’être humain n’y peut rien. Il est ainsi
conçu qu’il ne perçoit que les ruptures, la discontinuité,
l’irrégularité. Et seul un grand effort de renouvellement
quotidien pourra vous épargner l’engourdissement
mortel du sommeil dans la neige.
Voici une cascade de petites astuces pour enrayer la
décroissance :
Déménager.
Quand on n’a pas de gros moyens ou quand c’est maté-
riellement impossible, on peut se consoler en chambou-
lant l’ordre des meubles et des pièces dans la maison.
Bouleverser l’emploi du temps.
Il s’agit du même principe, transposé de la dimension
Espace à la dimension Temps.
L’art de se faire des ennemis
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