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D
écouvrez
la
face
cachée
de
votre
personnalité
Le Lucide
faculté de compréhension que le Lucide a d’ordinaire du visible
coexiste chez lui avec une incompréhension profonde de l’invisible.
Les émotions des uns et les passions des autres seront perçues par
lui comme des dérèglements. Il taxera la foi de fanatisme (comme
Voltaire), méprisera la passion (comme Chamfort), prendra la mar-
ginalité pour un danger social. En d’autres termes, le Lucide que
vous connaissez peut-être personnellement, tout en restant sans
doute l’être le plus fin et le plus subtil au monde, demeure en fait
incapable de vous comprendre véritablement. Il ne connaît ni la
sympathie ni la communion. Sa lucidité même l’éjecte toujours hors
du cercle. Avoir des sentiments reste pour lui une maladie, ou pire,
une sottise. Toute sa vie durant, il se battra, comme Voltaire contre
la bête, la bête désignant ce qu’il appelle aussi le fanatisme, mais ce
qui n’est peut-être en fait que l’émotivité des autres.
3/ Les fourberies de Scapin
Don Juan, masque, jeu social. L’univers du Lucide est un univers de
théâtre. La vie est une espèce de jeu de l’amour et du hasard. Le
commandeur est là dans l’ombre, prêt à sévir mais on s’en fiche.
Comme une plume au vent on vit des folles journées. De toute
façon, « Cosi fan tutte », déclare-t-il à tout venant. Ce qu’il y a de
plus hallucinant dans l’existence du Lucide que vous connaissez, c’est
le décalage entre le romanesque du vécu et la froideur du ressenti.
La vie est un roman à ne pas prendre au sérieux. Le Lucide que vous
connaissez a d’ordinaire une vie exceptionnellement mouvementée.
Professionnellement ou sentimentalement, tout est complexe et
rien ne dure. Les événements et les rencontres se pressent et se
bâclent mutuellement dans une vie trop dense. Le Lucide vit tout
cela avec une impassibilité profonde, avec naturel et décontraction,
comme un très vieux western qu’on a déjà vu au moins vingt fois
et qui ne fait donc plus tellement d’effet. Tout se passe comme
s’il se dédoublait, à tout moment, entre la vedette principale du
film de sa vie, et le spectateur assis paisiblement dans son fauteuil
de cuir. James Bond ne perd jamais la tête et c’est peut-être cela
précisément qui fait tout l’intérêt du film.