L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
221
Y
Y
es
L’école fut longtemps un lieu où il fallait « obtempérer », c’est-à-dire
hocher la tête dans un sens vertical. Les entreprises d’hier étaient en
effet construites sur le modèle des machines qu’on rencontrait dans les
usines. Les salariés d’une organisation étaient supposés se comporter
d’une façon standardisée, répétitive, tout au long de leur vie, avec des
conditions de travail définies par écrit, à l’intérieur d’un CDI qui explicitait
une fois pour toutes une
durée du travail,
des
horaires de travail,
un
lieu de travail,
une
qualification,
une position dans l’organigramme, etc. Il
fallait donc à cette époque que l’école fonctionnât comme une usine et
fabriquât des collaborateurs interchangeables comme des pièces indus-
trielles, qu’il n’y aurait plus ensuite qu’à insérer à l’intérieur de définitions
de postes établies par une GPEC (Gestion prévisionnelle des emplois et
des compétences). Pas d’autres moyens de protester en entreprise que
par la
grève,
à l’école que par de l’
indiscipline,
immédiatement dénoncée
par les médias.
Il se trouve que les entreprises de demain ne ressembleront plus à des
machines mais à des êtres vivants. Comme un être vivant, l’entreprise du
futur devra se réinventer en permanence pour s’adapter en permanence
à un environnement flottant, imprévisible et incertain qui ne présentera
d’autres certitudes que son extrême incertitude. La suppression des fron-
tières, l’effacement de la notion d’État et l’accélération du temps induites
par la mise au point du microprocesseur optique ne laisseront plus guère
de place à la prédétermination.
Or, on ne peut se reconstruire qu’en se déconstruisant. C’est en se
défaisant que l’on se fait. C’est par la remise en cause maladive de son
propre fonctionnement qu’une entreprise, comme un individu, peut
espérer suivre le mouvement de son environnement tourbillonnant. Ce
n’est donc plus à dire « Yes » que l’école du futur doit former. Les écoles
du futur seront des écoles de la désobéissance.
Cela pourrait demander quelques adaptations. On pourrait par exemple
imaginer que les collèges et lycées du Futur, à l’instar des entreprises du
Futur, fussent dématérialisés. Ils pourraient alors être remplacés par une
collection de services éducatifs complémentaires :
espaces protégés (à la
manière des campus américains), boutiques formations animées par des
experts, salles pour se réunir autour de projets collectifs sous les conseils
de professionnels expérimentés, domicile personnels des éducateurs qui