Dictionnaire des mots en voie de disparition - page 215

L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
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V
De mauvaises langues prétendent que dans nos sociétés civilisées on
pourrait améliorer le procédé par le passage obligé pour les anciens d’une
sorte de contrôle technique au début de l’hiver. Ils vont même jusqu’à
dire que l’acharnement thérapeutique n’est pas toujours souhaitable
pour les très âgés. La prolongation artificielle de la vie deviendrait alors
conditionnelle : recherchée quand elle est souhaitable pour la collectivité,
sinon abandonnée.
En attendant, il n’est pas interdit de rêver au recyclage des anciens dans
des activités adaptées. On pourrait par exemple substituer au passage
brutal dans l’âge de la retraite, souvent aussi abrupt qu’une falaise à
­Douvres, une décélération en pente douce. Au Japon, les personnes
âgées conduisent des taxis, à leur rythme, quelques heures par semaine.
Dans les villages africains, les cheveux blancs occupent une fonction de
régulation au centre de la communauté : on sollicite leur arbitrage ou
leur conseil. En Europe, où ils ne font pas grand-chose pour le moment,
à part des voyages migratoires à la manière des cigognes, ils pourraient
se recycler dans le bénévolat, le soutien scolaire, le coaching des jeunes
adultes en désespérance et rétablir ainsi l’échange de services entre les
générations.
Outre l’avantage de combler les déficits publics, la méthode offrirait celui
de reculer le vieillissement le plus grave, celui de l’esprit qui s’immobilise.
Dans ce contexte, on ne vieillit plus, on se transforme.
V
illage
Comme tout ce qui n’est pas rentable, le village est amené à ­disparaître.
Qu’on soit dans le domaine de l’informatique, de la logistique, de
l’aviation ou de l’urbanisme, l’avenir est en effet aux
hubs
de tous poils.
Un ­village est en effet nécessairement moins rentable que la ville en
­termes de transports et de gestion énergétique. Climatiser une centaine
de pavillons coûte beaucoup plus cher que climatiser un immeuble
de 100 appartements et, avec la raréfaction du pétrole, le coût d’une
voiture individuelle va devenir de plus en plus prohibitif. Il est donc
naturel que les villages soient de plus en plus remplacés par des villes.
Depuis 2008, plus de la moitié des Terriens habitent déjà dans une ville.
En 2050, ­l’essentiel de l’humanité vivra dans des mégalopoles : 6 milliards
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