L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
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La déstandardisation des horaires induit la généralisation du travail en
flux continu. Sur la Toile, le travail en différé devient de plus en plus facile.
La frontière entre travail, non-travail, formation ou loisir s’abolit. Dans ce
contexte, la notion de vacances ou de week-end ne veut plus dire grand-
chose. On peut prendre deux ou trois jours de repos quand on le veut à
condition toutefois de rester constamment disponible. Pourvu que vous
restiez accessible 24h/24 et 7j/7, vous pouvez faire de toute votre exis-
tence un week-end gigantesque à la façon d’un viaduc qui enjamberait
un océan.
Ce qui va disparaître en revanche, ce sont les petits week-ends sympas à
Venise ou dans un ryad à Marrakech car le prix du kérosène va devenir
impitoyable. Il y aura toujours de l’aventure pour ceux qui en sont dignes,
mais il faudra la mériter, un peu comme, aux siècles passés, il fallait pour
faire le tour du monde, imiter Phileas Fogg, pratiquer le chemin de fer
ou la marine à voile, et surtout disposer de plusieurs mois de congés
sabbatiques. Pour ce qui est de l’escapade, un peu folle dans l’idée mais
raisonnable dans le prix, le week-end devra plutôt compter sur le ré-
chauffement climatique pour faire venir le soleil à lui. Un week-end dans
le temps, ça reste toujours possible, même en semaine. Un week-end
dans l’espace, ça va redevenir un privilège.