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D
ictionnaire
des mots
en
voie
de
disparition
Le must serait peut-être de disposer d’un vêtement vivant mi-végétal,
mi-animal, une tunique biologique donnée une fois pour toute à la nais-
sance pour grandir en symbiose avec vous, s’adapter de façon souple
aux caprices de votre humeur et réagir à votre état de santé. Il n’y aurait
ainsi plus de nécessité de renouveler plusieurs centaines de fois vos
vêtements tout au long de la vie puisque votre tunique deviendrait évo-
lutive et capable d’autoréparation. Elle vous protégerait en outre contre
la solitude en vous chantant le soir les berceuses qui vous font dormir.
À la fois vêtement, maison portative à la façon d’une coquille d’escargot,
téléphone-ordinateur et compagne de toute une vie, elle devient comme
une ombre discrète.
Quelle perte si un jour vous l’égarez au vestiaire de la piscine municipale !
V
ide
Le Vide étant ce qu’il y a de plus rare au monde, rien ne sera plus nécessaire
que la culture du vide.
Chacun devra apprendre, afin de survivre dans un monde mouvementé,
à faire le vide en soi. Chacun devra apprendre, pour résister aux sollici-
tations multiples, à s’abstraire de toutes les fascinations. Chacun devra
devenir un briseur de concepts et d’idées toutes faites. Chacun devra
savoir périodiquement s’isoler pour se désintoxiquer, se déshypnotiser et
ne pas devenir fou. Aucune école, aucune religion ni aucune entreprise
n’auront vocation à enseigner cette culture du vide puisque leur voca-
tion est précisément d’investir au maximum le champ de conscience ou
de compétences de leurs affiliés.
La Culture du Vide ne peut donc que se découvrir seul après souvent
bien des désillusions.
Le marché du vide, de l’isolement ou du silence sera de plus en plus
porteur, surtout chez les élites. Les restaurants de luxe seront de plus en
plus souvent, comme au Japon, non des salles ornées de tapisseries et
de dorures, mais des pièces intimes et silencieuses. Les lieux de vacances
les plus recherchés seront, non plus comme aujourd’hui, des notoriétés
internationales comme la Tour Eiffel, le Strip à Las Vegas ou le Grand
Canal à Venise, mais des havres perdus qui si possible ne figurent sur
aucune carte et où l’on se rend seul. Comme il n’y a pas d’endroit plus