200
D
ictionnaire
des mots
en
voie
de
disparition
La mondialisation économique, en faisant voler en éclats toutes les fron-
tières artificielles, tous les cloisonnements traditionnels, effondre tout le
système. Le décloisonnement des expertises induit la mise à plat des hié-
rarchies, la responsabilisation générale (ou plus exactement l’
internalisa-
tion
des responsabilités) et dans les entreprises la culture du service-client,
comprise comme la prise en charge globale du problème d’un client.
La mondialisation sonne donc le glas d’une certaine culture française
conçue fondamentalement comme un culte de l’expertise au sein d’un
temple consacré.
Demain les temples seront partout remplacés par desmagasins, les prêtres
centrés sur leur statut par des commerçants centrés sur leurs clients, les
rites religieux par des transactions marchandes sans complexes et sans
frontières.
Insupportable pour des esprits formatés depuis l’enfance au culte de la
verticalité.
Onpeut ainsi sedemander si toutes lesmanifestations de 2010 autour de la
question des retraites n’expriment pas en fait le désarroi d’une population
habituée aux hiérarchies, à la spécialisation, à la réduction maximale des
certitudes confrontée brutalement à un océan d’incertitudes, à l’ouver-
ture des frontières, à la suppression des cloisons culturelles ou sociales, à
la disparition des castes, des réseaux, des sentiers balisés, des référentiels
prestigieux, des certitudes rassurantes.
L’angoisse de l’escargot privé soudain de sa coquille.
T
emps
Le Temps est relatif. On le sait depuis Einstein. Ce qui est nouveau, c’est
que la relativité du temps peut se vivre désormais en temps réel par
monsieur ou madame Tout-le-monde. Le Temps ne se contente pas en
effet d’avoir une longueur. Il a aussi une largeur. Et cette largeur du temps
ne cesse de s’élargir avec l’accélération du changement, des événements
et des rencontres. On en arrive à vivre de nos jours plus de choses en
une année que bien des paysans du xviii
e
siècle dans toute leur vie. Or
le temps est comme une boîte vide : il ne vaut que par ce qu’on met à
l’intérieur. La mesure du temps en termes de stricte longueur n’a donc
plus tellement de raison d’être.
Il fait partie des mots en sursis.