barrières illicites. La seule voie licite est, aux dires de ces illu-
minés, de débrider une faculté propre à toutes cellules du
corps humain : celle de se régénérer spontanément et indé-
finiment. Cette propriété semble bridée par un gène (dépo-
sé par Dieu sait qui !) qui empêche ce merveilleux mécanis-
me de fonctionner. Un coup de bistouri : on expulse le gène
indésirable et l’immortalité est à portée de main.
Au cours de notre dernier entretien, dans cette jonque
qui nous faisait glisser sur l’eau dorée des mers de Chine,
vous m’avez exposé votre désarroi, cette difficulté que vous
éprouviez soudain, à l’aube de la trentaine, à trouver
quelques certitudes au sein d’un monde émietté, où tout
s’oppose à tout, où toute logique est contredite par une
autre logique.
Depuis un demi-siècle, l’
hyperchoix
était partout : dans les
milliers de références des rayons alimentaires de Carrefour
ou d’Auchan, dans les vingt millions de livres de la Biblio-
thèque nationale, alors qu’aucun individu n’en lit sérieuse-
ment dix mille au long de son chemin, même en ne faisant
que ça, dans les destinations promises par les agences de
voyages, dans le million de films de cinéma tournés depuis
le début du siècle.
La rencontre était devenue elle aussi un produit, un produit
référencé parmi d’autres, distribué comme les voitures
d’occasion par Internet ou les journaux d’annonces, un
produit de consommation de masse. Le produit plaisait
ou déplaisait. Satisfait ou remboursé. La loi du marché
s’appliquait ici avec vigueur. La concurrence féroce obligeait
à faire du marketing, de la promotion, de la publicité,
à élaborer patiemment une image vendeuse : un «
posi-
tionnement
» publicitaire qu’on retrouvait jusque sur l’em-
ballage. Sinon le produit ne se serait pas vendu. Et l’entre-
prise ne pourrait équilibrer ses comptes. Elle flirterait avec la
liquidation judiciaire. C’est donc ainsi que l’hyperchoix avait
L’art de se faire des ennemis
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