Or, si gérer consiste à respecter un certain budget imparti
au départ, gérer consiste encore à arbitrer entre différents
achats, différentes politiques, différentes lignes de vie.
Gérer, c’est fondamentalement choisir.
Dans la vie affective, deux politiques budgétaires entrent
en concurrence :
— Ou vous êtes «
Monophile
», comme mon ami Désiré
Lefidèle, et vous recentrez toute votre affectivité sur
quelques gros investissements à long terme. Cela peut
déboucher sur de la monogamie mais aussi de l’igloo
imbécile : celui où l’on se donne froid ensemble.
— Ou vous êtes «
Polyphile
», comme mon voisin
Alexandre Leconquérend, ce qui signifie au contraire que
vous préférez dispatcher sur un éventail assez large.
Dans ce cas, votre vie risque de se remplir de relations
affectives nombreuses mais superficielles comme un
grenier s’encombre peu à peu de machines ou de
bibelots oubliés. L’amour, c’est comme du miel sur une
grosse tartine de beurre, plus il est étalé, moins la couche
est épaisse.
La polygamie, aboutissement normal de la polyphilie, ne
présente pas que des inconvénients. Elle est plus compa-
tible avec une civilisation de mouvements et de multi-
appartenance. Elle répartit astucieusement les charges de
la relation sur une assiette plus étalée et donc un peu
moins pesante.
Le rapport épaisseur/étendue se retrouve de toute façon,
quoi qu’on veuille et quoi qu’on pense, dans toutes les
directions. Une femme pour un homme (ou un homme
pour une femme), c’est un peu comme une maison.
— On peut mettre tous ses sous dans une grosse maison
de maître qu’on achète devant notaire (c’est-à-dire se
marier).
— On peut également se contenter de louer la maison
L’art de se faire des ennemis
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