à-dire environ dix fois moins vite que le rythme naturel
et spontané de l’émetteur.
Une technique particulière est alors bien utile : la régula-
tion.
La régulation consiste tout simplement à introduire un
grand nombre de longs silences (3 ou 5 secondes pleines)
entre les paragraphes, entre les phrases et même entre les
principaux segments d’une longue phrase, juste avant les
mots que l’ont veut mettre en valeur :
« Je voulais vous dire [silence] ceci, [silence] que j’avais
fait le projet [silence] hier soir [silence] de quitter
mon travail [silence], ma femme [silence] et mes enfants
[silence] et de partir faire le tour du monde à pied. »
Chaque silence souligne en quelque sorte chaque mot
qui lui succède immédiatement, exactement comme le
Stabilo fluorescent met en valeur des mots sur une feuille
de papier.
Il va de soi que si l’on accompagne ces longs silences
d’un regard appuyé et d’une immobilisation complète
de la mimique et de la gestuelle, l’effet est encore plus
saisissant.
Le silence est au discours ce que les blancs sont à la
lettre manuscrite. C’est lui qui apporte la structure
et l’échelle des priorités. Souvent il porte plus de sens
encore, que le discours qu’il sert.
À la limite, il est même possible de parler assez vite, à
condition d’émailler son discours de silences nombreux
et assez longs. La « digestion » de votre discours par
l’interlocuteur ne s’opère en effet qu’à ces moments
privilégiés.
Le silence est sans doute la moins mauvaise façon de
communiquer avec les êtres.
L’art de se faire des ennemis
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