L'art de se faire des ennemis - page 90

Pour dire ces choses, n’utilisez jamais plus de trois
phrases consécutives sans laisser à votre vis-à-vis un
petit moment pour soupirer, hocher la tête, ingurgiter,
faire sienne votre information, comme la perle noire
s’approprie le petit morceau de coquillage en l’imbi-
bant de nacre argentée.
Pour dire ces phrases, utilisez le moins de mots pos-
sibles et mixez-les avec un peu de silences comme, dans
un shaker, on mixe du lait glacé avec un peu d’air
chaud.
Ne formulez jamais plus d’une idée en même temps.
Numérotez les idées au fur et à mesure que vous les
énoncez, en vous aidant au besoin de vos doigts, le
bras immobile et tendu, la main figée pendant trois
secondes au moins.
Efforcez-vous ne pas bouger quand vous parlez.
Compensez par des changements de posture ou de
mimique bien francs de temps en temps, suivis immé-
diatement d’un nouvel « arrêt sur image ».
Pendant toute la séance, regardez longuement votre
interlocuteur au fond des yeux comme s’il était l’être le
plus intéressant du monde, afin qu’il comprenne bien
que vous lui parlez pour lui dire véritablement quelque
chose, à lui, à personne d’autre, et non pour vous débar-
rasser de pensées encombrantes et devenues inutiles
comme on désencombre son grenier au début du prin-
temps en jetant par la fenêtre ce qui ne sert plus à rien.
Inversement, si vous souhaitez lasser, perdre rapidement
l’attention (et l’estime) de votre interlocuteur, n’hésitez
plus :
Faites comme les cigales, ne cessez pas un
seul instant de chanter votre chanson.
L’art de se faire des ennemis
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