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D
écouvrez
la
face
cachée
de
votre
personnalité
Le Passionné
des vacances de Noël, Vincent reçoit l’autorisation de passer une
semaine chez Suzanne. Ni Suzanne ni Vincent ne dorment alors de
la nuit. Tandis que dès six heures, l’hiver, il fait dehors complètement
noir et terriblement froid, la grande maison reste complètement
illuminée. Et la grand-mère et le petit-fils, chacun dans une pièce
différente, œuvrent séparément mais simultanément, à l’occasion
d’une œuvre mystérieuse qui les absorbe complètement. Par leurs
veilles respectives, ils s’encouragent mutuellement à ne pas céder
trop vite à la tentation du sommeil. Chacun des deux est fier de
travailler autant quand les autres se reposent.
Bernard est l’oncle incompris de Vincent, c’est-à-dire le fils le moins
compréhensible de Suzanne. À dix-sept ans, il a tout quitté, tout,
et personne n’a jamais compris exactement pourquoi. « Ils ne ces-
saient pas de se disputer ». Actuellement, Bernard est directeur
d’une caisse de retraite dans le midi. Sa femme vient de le quitter.
Cela ne l’empêche aucunement de continuer à abattre ses quinze
heures de travail tous les jours. S’il ne les abat point un seul jour,
il culpabilise très fort le soir, se reprochant « d’avoir perdu son
temps » et il dort très mal le soir. Depuis que sa femme l’a quitté,
Bernard fume trois paquets par jour : il mourra d’ailleurs d’un can-
cer au poumon six ou sept ans plus tard. Cela l’agace de repenser
aussi souvent à elle car il a constaté que sa productivité habituelle
en souffrait quelque peu. Mais c’est ainsi, il ne peut s’empêcher de
se rappeler les vacances : les châteaux de sable sur la plage et les
barrages dans les torrents. Il ne peut s’empêcher de se remémorer
tous les projets éducatifs qu’il avait faits pour leur premier enfant.
Entre-temps, les nombreuses secrétaires de Bernard affirment à
qui veut les entendre qu’on ne le reconnaît plus. Il est encore de
plus mauvaise humeur dès qu’on lui parle de retraite ou de jour de
congé. Il semble se complaire dans une espèce de rôle de vieillard
solitaire et méprisant. En fait, seule Suzanne, qui travaille toutes
les nuits dans sa grande maison illuminée, pourrait comprendre ce
qui se passe dans la tête de Bernard. Il ne se reconnaît pas le droit
d’avoir des faiblesses ordinaires.