Web où le raisonnement approfondi cède la place à un
        
        
          feu d’artifice de molécules d’information éparpillées.
        
        
          L’homme de 2020 («
        
        
          
            Homo 2020
          
        
        
          ») est lui-même une
        
        
          mosaïque. À l’affiliation monolithique de nos grands-
        
        
          parents (le curé, le maître d’école ou le notaire) succède
        
        
          une généralisation de la multi-appartenance. Le même
        
        
          homme peut par exemple être juif pratiquant, avocat,
        
        
          grand amateur de golf et président de l’association des
        
        
          parents d’élèves. Chaque fois qu’il change de casquette, il
        
        
          change de vêtement, de langage et de système de
        
        
          valeurs. De plus, le même individu peut de nos jours
        
        
          se retrouver dix ans plus tard avec une panoplie de
        
        
          casquettes tout à fait différentes. L’identité individuelle se
        
        
          met elle-même à zapper à longueur de journée ou à
        
        
          longueur de vie comme un enfant de 6 ans peut zapper
        
        
          à longueur de soirée en regardant la télévision.
        
        
          Le besoin de cohérence est plus nécessaire que jamais.
        
        
          Cette cohérence, que l’habit social n’apporte plus à
        
        
          l’homo 2020, il doit dorénavant la trouver en lui-même :
        
        
          il lui faut désormais s’autodéterminer et inventer sa
        
        
          propre unité intérieure s’il veut être autre chose qu’une
        
        
          marionnette ou un pantin emporté par les courants et
        
        
          les marées.
        
        
          Les jambes et les pieds ne suffisent pas à faire tenir un
        
        
          homme debout. Il faut encore une tête et un cerveau
        
        
          qui équilibrent en permanence le corps et la contraction
        
        
          des muscles pour l’empêcher de chanceler. Il y a un équi-
        
        
          librage, discret, mais incessant.
        
        
          À l’équilibre naturel du paysan de l’Antiquité ou de
        
        
          l’ouvrier de l’ère industrielle succède un mouvement
        
        
          d’équilibrisme permanent. Cet équilibre s’obtient d’abord
        
        
          en se méfiant des excès autant que des carences. Une
        
        
          culture du refus, un certain art de (se) dire non assez sou-
        
        
          vent, deviennent une condition de survie identitaire.
        
        
          et d’en faire perdre aux autres
        
        
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