Être « dépendant » des êtres
        
        
          et des choses
        
        
          L
        
        
          ’accumulation de quoi que ce soit n’a plus aucun sens
        
        
          dans un monde où tout est devenu fluide.
        
        
          L’accumulation d’un patrimoine énorme avait un certain
        
        
          sens dans un contexte de précarité relative. Mes grands-
        
        
          parents adhéraient au bien-fondé de ce système de
        
        
          valeurs, car ils avaient connu les coupons de rationnement
        
        
          durant la Seconde Guerre mondiale. « Mettre de côté » des
        
        
          biens ou de l’épargne était pour eux une attitude dictée
        
        
          par un souci de sécurité.
        
        
          Mais dans une civilisation de la surabondance, comme
        
        
          la nôtre, où l’offre déborde la demande quasi systémati-
        
        
          quement et où les commerçants, les industriels, les spécia-
        
        
          listes en marketing, les hommes politiques et les gourous
        
        
          économiques ne savent plus quoi inventer pour obliger
        
        
          les gens à acheter ce dont ils n’ont pas besoin, ce réflexe
        
        
          est devenu périmé. Le goût de l’accumulation n’est plus
        
        
          qu’une attitude anachronique, voire malsaine, davantage
        
        
          destinée à combler une névrose personnelle d’insécurité
        
        
          que l’aboutissement d’un projet de vie intelligent.
        
        
          Même si l’on se retrouve un jour dans la rue sans un sou,
        
        
          parce que les impôts, la Sécu, les fournisseurs ou les
        
        
          concurrents ont réussi à tout vous prendre, il y aura encore
        
        
          pour vivre des RMI, des allocations vieillesse, des alloca-
        
        
          tions parentales ou d’autres trucs de la même veine.
        
        
          La société française contemporaine n’a sans doute plus
        
        
          besoin de nous comme travailleur. Mais elle n’a pas les
        
        
          moyens de se passer de nous comme consommateur.
        
        
          Elle se débrouillera donc toujours pour nous offrir un
        
        
          petit pouvoir d’achat (c’est-à-dire un devoir d’achat)
        
        
          même si nous ne lui demandons rien.
        
        
          et d’en faire perdre aux autres
        
        
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