Le problème du chômage n’est donc pas celui du risque
        
        
          de fracture économique entre des riches et des pauvres
        
        
          (comme ce fut le cas au XIX
        
        
          e
        
        
          siècle). C’est celui d’une
        
        
          fracture métaphysique entre ceux dont la vie a un sens
        
        
          (matérialisé par un travail) et ceux dont la vie ne sert plus
        
        
          à rien, si ce n’est qu’à consommer bêtement, comme des
        
        
          cochons, des oies ou du bétail, qu’on engraisse artificiel-
        
        
          lement avec des doses énormes de maïs.
        
        
          Un cloisonnement social s’opère : les «
        
        
          
            techno-intégrés
          
        
        
          »
        
        
          d’une part, qui ont su capitaliser suffisamment de savoir-
        
        
          faire technique pour continuer à absorber apparemment
        
        
          toute la complexité du monde, pour conserver une place
        
        
          dans le système de production/gestion, et puis les autres,
        
        
          qui – il faut bien dire les choses comme elles sont et
        
        
          appeler un chat un chat même si cela peut choquer — ne
        
        
          sont pas suffisamment dotés sur le plan culturel ou
        
        
          génétique pour demeurer compétitifs. Les machines
        
        
          étant naturellement promises à devenir de plus en plus
        
        
          complexes, les « non-techno-intégrés », autrement dit les
        
        
          « employés non qualifiés », vont devenir de plus en plus
        
        
          nombreux dans les décennies à venir.
        
        
          Mais cette catégorie des « non-techno-intégrés » se subdi-
        
        
          vise à son tour en deux sous-catégories :
        
        
          — Les non-techno-intégrés «
        
        
          
            socio-intégrés
          
        
        
          »
        
        
          — Les non-techno-intégrés «
        
        
          
            non-socio-intégrés
          
        
        
          »
        
        
          Les premiers sont ceux qui, faute de compétences tech-
        
        
          niques, possèdent des compétences sociales. Ils savent
        
        
          s’occuper des autres, se faire des tas d’amis, s’intégrer
        
        
          parfaitement au sein d’un système social en respectant
        
        
          ses codes et ses règles du jeu. À ceux-là est promise une
        
        
          place d‘ «
        
        
          
            assisté
          
        
        
          » : notables, travailleurs sociaux ou sim-
        
        
          plement rentiers directement ou indirectement.
        
        
          L’art de perdre son temps
        
        
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