Il y aurait donc dans ce cas un art d’échouer dans l’exis-
        
        
          tence qui serait bien proche de celui de la réussir.
        
        
          Préférer l’Achat à la Location
        
        
          I
        
        
          l y a deux mois, alors que, sous la pluie, j’attendais le
        
        
          passage du dernier autobus, j’ai fait la rencontre d’un
        
        
          très vieil homme, dont le regard incendiaire contrastait
        
        
          étrangement avec les cheveux blancs et la silhouette un
        
        
          peu voûtée. Très vite il éprouva le besoin de me commu-
        
        
          niquer son message essentiel. Tandis que nous prenions
        
        
          place l’un à côté de l’autre, dans l’autobus désert, il me
        
        
          saisit le bras de sa main tremblante et me fit cette émou-
        
        
          vante confession :
        
        
          
            « Vers l’âge de trente ans, je me trouvais engagé dans l’existence
          
        
        
          
            avec un patrimoine conséquent. Une femme, une fille, deux
          
        
        
          
            voitures, deux réfrigérateurs, une entreprise qui fonctionnait,
          
        
        
          
            une maison belle et grande et un magnifique gazon qui se
          
        
        
          
            déroulait tout autour au printemps.
          
        
        
          
            » Quand je pris possession de la maison (et du gazon qui va
          
        
        
          
            avec), j’ai d’abord ressenti un profond sentiment de fierté.
          
        
        
          
            J’étais enfin propriétaire d’une parcelle de gazon. Quelques
          
        
        
          
            semaines passèrent, il plut, fit du soleil, plut de nouveau et
          
        
        
          
            refit du soleil. Le gazon poussa. Très vite. Bientôt, je n’eus plus
          
        
        
          
            le choix. Si je ne voulais pas ressembler au docteur Schweitzer,
          
        
        
          
            perdu au milieu de la savane, il fallait que je me mette à
          
        
        
          
            tondre. J’ai donc tondu. Cela m’a pris deux après-midi. Deux
          
        
        
          
            après-midi au cours desquelles j’aurai pu écrire quelques pages
          
        
        
          
            magnifiques, sauver une ou deux vies par un vaccin, ou
          
        
        
          
            rencontrer la femme de ma vie. Quelques semaines passèrent
          
        
        
          
            de nouveau. Il replut, refit du soleil encore une fois, replut
          
        
        
          
            encore, et le soleil, qui décidément avait de la suite dans les
          
        
        
          L’art de perdre son temps
        
        
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