grammation extrêmement abstraits, ou sur des bilans à
        
        
          clôturer dare-dare pour éviter la majoration de 10 % de
        
        
          retard. Et la finalité secrète de tout cela, c’est de faire
        
        
          agréablement la sieste sous les regards bienveillants du
        
        
          soleil.
        
        
          En 68, on avait un slogan : « Perdre sa vie à la gagner ».
        
        
          Chaque jour, dans ma vie personnelle, le moyen se
        
        
          retourne contre la fin, sans que je m’en rende toujours
        
        
          bien compte.
        
        
          Hier après-midi, Hubert, un commercial (assez corpu-
        
        
          lent) que je connais bien, fit une prise de conscience
        
        
          impressionnante. Depuis déjà trois heures, il conduisait
        
        
          sur l’autoroute dans un état de malaise intense, lorsqu’il
        
        
          reçut soudain une sorte d’illumination. Il comprit d’un
        
        
          seul coup que depuis trois heures, il mourait d’envie
        
        
          de faire pipi. Mais il ne s’était pas encore arrêté. Il s’était
        
        
          dit machinalement que, puisqu’il était « lancé », il fallait
        
        
          en profiter, qu’il était capital qu’il fût à son rendez-vous
        
        
          à l’heure.
        
        
          Le raisonnement machinal et quasi inconscient d’Hubert
        
        
          était à peu près le suivant :
        
        
          « Je devais être à mon rendez-vous à l’heure,
        
        
          pour ne pas indisposer le client,
        
        
          pour qu’une affaire aboutisse,
        
        
          pour que le chiffre d’affaires de ma société soit majoré
        
        
          cette année de quelques dixièmes de pour cent,
        
        
          pour que mon propre revenu annuel augmente de
        
        
          quelques dizaines d’euros,
        
        
          pour que mon garde-manger, déjà plein à craquer, s’en-
        
        
          combre d’une ou deux boîtes de conserve supplémen-
        
        
          taires,pour que je puisse alors profiter du soleil ou faire
        
        
          pipi en toute tranquillité ».
        
        
          et d’en faire perdre aux autres
        
        
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