Opposer le Moyen à la Fin
        
        
          I
        
        
          l est un paradoxe omniprésent en l’an 2000. C’est celui
        
        
          du moyen, qui se retourne contre la fin, se substitue à
        
        
          elle et finalement induit des comportements qui la
        
        
          détruisent.
        
        
          Pour être heureux et profiter pleinement du soleil, il fallait
        
        
          bien survivre. Un jour, l’homme inventa le jardinage. Le
        
        
          jardinage lui permettait de survivre agréablement
        
        
          en travaillant un peu chaque matin et en se reposant
        
        
          l’après-midi sous le regard bienveillant du soleil.
        
        
          Pour survivre, il fallait cultiver la terre. Un autre jour
        
        
          l’homme se rendit compte que pour cultiver la terre, des
        
        
          outils en métal seraient les bienvenus. Il a donc changé
        
        
          de métier, et il s’est transformé en forgeron.
        
        
          Un autre jour encore, l’homme s’est avisé que pour cons-
        
        
          truire des outils de fer en série, une organisation indus-
        
        
          trielle, une aciérie et des machines-outils seraient bien
        
        
          plus rentables que son activité artisanale de forgeron de
        
        
          village. Il a donc, une nouvelle fois, changé de métier.
        
        
          Il a endossé un bleu de travail, s’est transformé en ouvrier
        
        
          d’usine et a dû investir dans une automobile pour se
        
        
          rendre tous les matins en ville. Il a fallu, au passage,
        
        
          construire des usines, des villes et des automobiles.
        
        
          Un autre jour, plus récemment, il s’est rendu compte que
        
        
          sa production pouvait doublement évoluer, dans le sens
        
        
          de la personnalisation d’un acier sur mesure et de l’auto-
        
        
          matisation des tâches confiées à des robots. Il a pour cela
        
        
          conçu des puces et des logiciels sophistiqués, puis des
        
        
          logiciels à faire des logiciels, puis des logiciels à faire
        
        
          des logiciels à faire des logiciels, etc.
        
        
          Actuellement, un nombre considérable d’individus suent
        
        
          à grosses gouttes l’après-midi sur des langages de pro-
        
        
          L’art de perdre son temps
        
        
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