L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
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de l’information. On s’est mis à coller des affiches pour promouvoir des
services sur le Minitel, à commercialiser des encyclopédies bon mar-
ché sur CD-Rom, à organiser de la formation professionnelle sur tous
les sujets. Avec les progrès des nouvelles technologies, la productivité a
cependant crû si vite que la concurrence a ravagé les marges et que la
valeur ajoutée de l’information s’est mise à flirter avec le zéro absolu. À
quoi cela sert-il de payer 200 euros pour une encyclopédie, même l’Uni-
versalis, sur DVD, lorsque Wikipédia donne gratuitement accès à une
encyclopédie 1 000 fois plus vaste et tenue à jour heure par heure par
des Terriens de toutes les couleurs ?
L’économie de la matière et celle de l’information étant ruinées, il ne reste
plus qu’une porte de sortie pour la croissance : celle de la relation, de
l’affectif, du sentiment. C’est l’unique domaine où l’économie des pays
développés puisse encore progresser pour compenser l’effondrement
du reste du système. On ne peut quand même pas lui enlever ça. Les
Japonais l’ont bien compris, qui, en se souvenant du bon vieux temps
des geishas, ont transformé des quartiers entiers de leurs mégalopoles en
supermarchés de gros câlins.
Ces messieurs y ont le choix entre plusieurs formules complémentaires :
– les clubs très select ou ces dames leurs servent lentement le thé en
piquant la romance ;
– les demoiselles aux yeux verts porteuses d’un petit sac au coin des
avenues de Ginza ;
– les bars à petites femmes qui escaladent vos genoux sitôt assis devant une
coupe de champagne et vous susurrent dans le creux de l’oreille des quali-
ficatifs valorisants à base de « gros lapin » ou de « grand samouraï » ;
– des trombinoscopes lumineux à Shinjuku qui exposent une centaine
de paires d’yeux tous bridés, tous maquillés, tous séducteurs à souhait,
qui n’attendent avec flamme que le numéro de votre carte de crédit.
Et si l’amour tarifé était également l’avenir de l’économie occidentale ?
S
ibérie
Le vide, c’est bien connu, appelle le plein. Surtout lorsque la pression
monte. Avec le Canada, la Sibérie devient un nouvel Eldorado, surtout
pour les Chinois qui grouillent en dessous de l’Amour. Sa popularité ne