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D
ictionnaire
des mots
en
voie
de
disparition
G
rand
À Paris, Monoprix expérimente depuis quelques années une gamme de
magasins « mini ». Destinés à une clientèle jeune, aisée, mais vivant en
solo, ces supermarchés se sont spécialisés dans les portions individuelles.
On y trouve, sous cellophane, des tranches de jambon à l’unité, des
yoghourts à la pièce, des bouteilles de champagne lilliputiennes. Le prix
n’est pas lilliputien mais le concept fonctionne : il y a un marché évident
pour les quantités minimales. Tant pis pour les surplus traditionnels.
Peut-être aussi que l’on mange moins. Au fond ce serait plutôt logique.
Sur une Terre toujours moins féconde, il y a de plus en plus de Terriens :
logique que l’on s’oriente vers des rations moins importantes. Pour être
en ce moment en train de suivre un régime, j’ai d’ailleurs découvert une
combine épatante pour perdre des kilos. Il suffit de s’outiller de couverts
plus petits : mini-fourchettes, micro-couteaux, nano-cuillères, assiettes
de dînette. La faim se calme toujours, bon gré mal gré, au bout de vingt
minutes. Réduisez les bouchées et vous n’absorberez qu’un repas de
poupée.
C’est d’ailleurs une vie de poupée qui se prépare pour vous. Petites
voitures, faibles émettrices de CO2, petites maisons faciles à chauffer et
encore plus à isoler, petits magasins accueillants à deux pas de chez vous.
C’est Oui-Oui qui va être content !
On peut ainsi oser le terme de « micromanie » pour désigner le goût des
petites choses dont on sera bien obligé de se contenter.
Au début du xxi
e
siècle, une épidémie de « micromanie » s’empare des
pays occidentaux, habitués depuis un siècle ou deux à la surabondance.
Cette épidémie ne s’attaque pas qu’aux objets mais touche également
les échanges, les gestes et les mots. Un petit cadeau, un petit sourire, une
phrase tendre peuvent mettre de la lumière jusque dans les dimanches
après-midi pluvieux de novembre. En matière d’humeur comme en ma-
tière d’amour, le nombre des minis compte plus que la taille des mégas
reçus.
Cependant les minis peuvent se conglomérer. Un agrégat de petits
logements consomme beaucoup moins qu’une maison individuelle,
en termes d’isolation comme de consommation. L’Allemagne, toujours
championne en matière d’écologie, collectionne les petites villes qui