L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
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G
agrègent les petits quartiers qui agrègent de petits immeubles qui
agrègent les petits logements, un bon exemple étant celui du quartier
Vauban à Freiburg (ou du BedZED, au sud de Londres). Ce livre même
que vous lisez se veut être un village d’articles lilliputiens.
À la dernière grande extinction des espèces, il y a soixante millions
d’années, les petits mammifères ont survécu aux grands reptiles. Nous
entrons dans une nouvelle période d’extinction : tout ce qui est grand
est menacé de disparaître.
G
ratuité
Le gratuit est aujourd’hui partout. Peut-il raisonnablement disparaître ?
Imaginez que vous soyez la croissance économique elle-même. Votre
position ne serait pas confortable. Imaginez que vous deviez croître
indéfiniment, non comme un arbre ouun jeune géant le temps d’atteindre
votre taille adulte, mais indéfiniment, sous peine de créer le désordre
social et la désintégration politique. C’est la croissance qui est censée
financer le déficit. C’est sur la perspective d’un peu de croissance que
repose la motivation des foules et des individus. Les hommes politiques
n’ont en commun ni la couleur des mots ni la couleur des yeux mais tous
ils parlent de croissance d’une façon ou d’une autre.
Mais comment faire de la croissance avec moins d’énergie, avec moins de
matériaux, avec moins de droit à polluer l’air, l’eau, la terre et les émissions
télévisées ? C’est un peu comme demander à un sportif de cultiver ses
muscles tout en restant enfermé dans sa chambre.
Une seule solution : se mettre à vendre et à acheter ce qu’on donnait ou
recevait autrefois gratuitement. Le sourire de la boulangère, une bonne
nuit de sommeil, l’amour familial, le dimanche silencieux, le temps libre
à courir dans les champs faisaient autrefois partie du domaine non
marchand. Mettons-nous à les vendre. Pour les économistes, cela devient
de la croissance.
On peut ainsi rendre marchand tout ce qu’on veut : le droit de donner
son nom à une étoile, le droit d’un homme à lire les livres qu’il a lui-même
écrit, à reconnaître son image dans le miroir ou à porter son propre nom.
C’est ce qu’a commencé à faire Apple avec succès. Vous commencez