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D
ictionnaire
des mots
en
voie
de
disparition
La grande incertitude est celle du timing. On ne sait pas exactement à
quel moment les 3 moteurs complémentaires vont s’allumer ni à quel
moment les 3 systèmes de régulation naturels vont se mettre en grève.
Si ces 6 mécanismes s’emballent à peu près simultanément, on peut
s’attendre à un joyeux feu d’artifice.
Les Terriens ne disparaîtront sans doute pas subitement d’un coup de
baguette magique. Même si la température moyenne de la planète, qui
est aujourd’hui de 15 degrés, passait à 35 dans quelques siècles, il resterait
sans doute quelques survivants. Certes il faut s’attendre à des péripéties, à
des famines, à des invasions barbares depuis les tropiques en direction des
pôles, à quelques milliards de contribuables en moins. Mais notre espèce
est ingénieuse. Elle sera sans doute capable de fabriquer aux pôles des
arches de Noé qui fonctionneront comme des congélateurs en attendant
la prochaine glaciation qui devrait améliorer sensiblement les choses.
En attendant cette échéance, il devrait vous être possible d’adoucir le sort
de notre espèce en pratiquant une multitude de gestes simples, comme
éteindre l’abat-jour inutilisé de votre salon, préférer le sucre en vrac au
sucre emballé ou éviter de tirer la chasse d’eau après un petit pipi. On
peut aussi accessoirement recapturer le CO2 en connectant les tuyaux
d’échappement des centrales à charbon à ses sarcophages souterrains.
L’idéal serait bien sûr d’améliorer cette méthode afin de reconvertir le
gaz émis sous une forme solide. Il serait alors bien plus facile de stocker
les déchets durablement en toute sécurité. Or la technique existe déjà,
brevetée par la Nature depuis quatre milliards d’années puisqu’il s’agit
de la photosynthèse. La chlorophylle est non seulement capable de
matérialiser le CO2 sous forme d’algues, d’arbres ou de fleurs mais la
végétation ainsi produite se mettra à son tour à faire le même travail
dans une logique exponentielle vertueuse capable de contrebalancer les
exponentielles d’amplification décrites précédemment.
Il suffirait donc pour sauvegarder l’espèce humaine, de planter (en
nombre suffisant) des pots de fleurs en haut des cheminées. On peut
imaginer ainsi des champs de tulipes recouvrant le toit des immeubles
ou des usines. Les tuyaux d’échappement des automobiles pourraient
dans cet esprit être redirigés vers l’intérieur d’un coffre équipé non de
batteries ion-lithium mais de plantations de géraniums que les auto-
mobilistes pourraient revendre dans les stations-service en contrepartie
d’un peu d’essence. Inconvénient : le cours du géranium pourrait fort
bien plongeren raison de l’offre pléthorique et de l’effondrement d’une
demande écœurée par une indigestion de parfum.