Cela impose toutefois une discipline et une condition.
        
        
          C’est de savoir se jeter dans le travail intensif sans délai
        
        
          comme on se jette du haut d’un plongeoir de dix mètres
        
        
          sans réfléchir.
        
        
          Le travail, c’est tout de suite ou jamais. Cela ne sert à rien
        
        
          d’attendre l’inspiration, puisque l’inspiration provient,
        
        
          mécaniquement, de l’incubation, c’est-à-dire du travail
        
        
          de la veille. C’est l’inspiration qui procède du travail et
        
        
          non pas le contraire.
        
        
          Il y a donc une sorte de bonne habitude à acquérir :
        
        
          
            Éluder les préambules.
          
        
        
          La dispersion appelle la dispersion et on finit par man-
        
        
          quer complètement son objectif prioritaire de la journée
        
        
          au profit de miettes qui ne mènent nulle part.
        
        
          C’est ce que comprit Stendhal à quarante ans. Alors, il se
        
        
          mit à écrire. Avant, il attendait gentiment l’inspiration.
        
        
          Je dois à ce propos vous faire maintenant une confession.
        
        
          Quand je me suis mis à écrire ce livre, ce fut au début
        
        
          particulièrement pénible. Rien n’intimide plus que la
        
        
          page blanche. Le premier jet ne fut vraiment pas brillant,
        
        
          mais les dernières pages furent plus faciles et plus rapides
        
        
          que la première. Le second jet fut presque une partie de
        
        
          plaisir. Au troisième jet, je commençai à écrire des choses
        
        
          intéressantes. Au quatrième, je me surpris à dire ce que
        
        
          j’avais envie de dire depuis le début, et rien de plus, sans
        
        
          avoir su jusque-là ni le formuler ni même le reconnaître.
        
        
          Au cinquième jet, j’eus vraiment l’impression d’être
        
        
          inspiré. Si j’avais attendu l’inspiration au premier jet, je
        
        
          serais encore devant une feuille blanche. Écrire, c’est
        
        
          
            récrire
          
        
        
          . Il faut se jeter à l’eau sans réfléchir, avoir le courage
        
        
          d’écrire n’importe quoi, en sachant parfaitement que ce
        
        
          qu’on écrit n’est pas bon (et il faut pour cela, croyez-moi,
        
        
          du courage) et puis recommencer infatigablement.
        
        
          et d’en faire perdre aux autres
        
        
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