Dictionnaire des mots en voie de disparition - page 36

34
D
ictionnaire
des mots
en
voie
de
disparition
Chaque année, à l’automne, pour ne pas dire à la rentrée des classes,
une crise majeure fait son apparition. Le 11 septembre 2001, la chute
des tours de Manhattan amorce le commencement de la « Troisième
Guerre mondiale » (la fameuse guerre entre les riches et les pauvres).
À l’automne 2007, le rapport du GIEC décrit, au détour de l’analyse
du ­réchauffement climatique, le scénario de la « cinquième extinction
massive des espèces ». À l’automne 2008, l’effondrement de la Bourse
laisse entrevoir « la fin du capitalisme ». À l’automne 2009, on annonce, à
propos du virus H1N1, la première « pandémie mondiale », version mo-
derne de la Grande Peste du Moyen Âge. Septembre n’est pas seulement
le mois où chaque année sortent les derniers livres d’Amélie Nothomb et
de Jacques Attali (sans oublier la plaquette de l’Institut François Bocquet).
C’est également le mois des crises majeures qui font trembler le monde.
À côté de ces tsunamis planétaires fourmillent les crisettes du quoti-
dien. Les grandes ruptures, professionnelles ou privées, sont devenues si
­banales que deux lois viennent d’être promulguées pour les faciliter : une
sur la rupture conventionnelle au travail et une sur le divorce à l’amiable­
à la maison. Le rythme du changement augmente en entreprise. La pres-
sion est toujours plus intense à l’école. La fréquence des événements
majeurs s’accélère : déménagement, changement de travail, rencontre
formidable. La vie ordinaire de chacun est bouleversée de plus en plus
ordinairement.
Le
temps du provisoire
semble donc s’installer de façon durable.
L’
interruption
est en effet partout : dans les appels et les textos qui
se bousculent sur votre iPhone, dans les e-mails qui bipent de façon
pressante en bas à droite de votre écran, dans les urgences qui frappent
à votre porte, laquelle d’ailleurs n’existe plus dans les bureaux panora­
miques. Se concentrer 30 minutes d’affilée pour lire un chapitre en entier
ou écouter une œuvre musicale intégrale est devenu de plus en plus
improbable.
Le cerveau humain aime les causes uniques, sans doute parce qu’il les
comprend bien. En ce qui concerne ce qu’il faut bien appeler une ­épidémie
de crises, il faut pourtant admettre la multiplicité des causes. Même si ces
causes sont cousines et s’épaulent toutes un peu entre elles.
1/ Le besoin d’adrénaline
C’est bien connu : celui qui se shoote a besoin de sa dope. C’est vrai
des individus. C’est vrai aussi de la collectivité tout entière. Et on voit
1...,26,27,28,29,30,31,32,33,34,35 37,38,39,40,41,42,43,44,45,46,...234
Powered by FlippingBook