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D
ictionnaire
des mots
en
voie
de
disparition
En attendant de trouver la formule miraculeuse et de mériter le prix
Nobel, nous introduirons l’humble concept de
décrispation
qui, comme
la morphine, n’a pas pour ambition de guérir, mais simplement de réduire
un peu la douleur, c’est-à-dire la panique.
Comme son nom l’indique, la décrispation vise à détendre, à dilater
l’Espace/Temps comme s’il s’agissait d’un gaz contenu dans un ballon.
Comme l’enseigne la physique des fluides, nous disposons d’une équa-
tion bien connue : VP = Constante, ou V signifie le volume du ballon et
P, la pression à l’intérieur du ballon. En d’autres termes, quand le volume
diminue, la pression augmente (et c’est pourquoi les ballons de baudruche
des petites filles de cinq ans claquent lorsque l’on marche dessus et qu’il
faut alors en regonfler un autre à la force de ses poumons et interrompre
précipitamment, pour éviter la crise, l’écriture d’un article sur la banalisa-
tion des crises). Ce qui est vrai en physique l’est aussi en psychologie : la
pression de l’émotion décroît quand les volumes augmentent.
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Pour cette raison il faut savoir, en situation de crise :
1/ Diluer le temps
Cela signifie concrètement différer la réponse à un agent provocateur
(par exemple un voisin dont la souffleuse de feuilles mortes est, en
septembre, parfaitement injustifiée), à une situation qui semble urgentis-
sime (comme d’installer des doubles vitrages pour ne plus entendre les
mobylettes ou le SAMU qui s’amusent le dimanche après-midi), à une
demande de réponse pressante (par exemple des petites filles de 7 ans
qui se demandent pourquoi on gonfle le ballon des plus petites et non
pas des plus grandes).
2/ Dilater l’espace
Cela veut dire mettre de la distance géographique de toutes les façons
possibles. On peut ainsi reculer de deux pas (quand deux petites filles
font irruption ensemble dans votre bureau pour réclamer un arbitrage
immédiat), prendre deux semaines de vacances au Japon (pour constater
avec émotion que les restaurants y sont vides) ou simplement passer
deux heures à marcher seul dans la forêt (gare aux bûcherons qui
auraient la fâcheuse idée d’utiliser une scieuse ce jour-là !). La crispation