36
D
ictionnaire
des mots
en
voie
de
disparition
Depuis le début du xxi
e
siècle, deux autres nouveaux facteurs font leur
apparition :
1/ La suppression des intermédiaires
– La mondialisation gomme progressivement les frontières.
– La numérisation supprime les relais humains, comme les secrétaires,
les commerciaux et les agents de tous poils qui proliféraient encore à
la fin du xx
e
siècle. Le Net permet dorénavant à chacun de commu-
niquer directement (et gratuitement) avec chacun. Les organisations
centralisées ou hiérarchiques sont devenues désuètes/obsolètes. À
quoi cela sert-il d’avoir encore un centre (et donc un centralisateur)
lorsque les transactions peuvent être immédiates ? La logique du Mar-
ché assassine sournoisement celle de l’État par la privatisation de tout
ce qui peut l’être : l’éducation, la santé, la longévité, la sexualité, la ten-
dresse, la sécurité, la police, la justice deviennent des marchandises, et
même la nationalité (de plus en plus les passeports peuvent s’acheter).
– Enfin, l’accélération des microprocesseurs et des réseaux de (télé)com-
munications se transforme directement en accélération du temps.
Dans un monde devenu sans cloison, le choc frontal est devenu de plus
en plus fréquent, comme des boules qui se heurtent de plein fouet sur
un billard ou des atomes qui jouent aux autos-tamponneuses à l’in-
térieur d’un gaz brûlant. Le réchauffement climatique n’est donc pas
uniquement une réalité géographique. C’est également une poétique
métaphore de ce qui nous attend : un monde de collisions fréquentes
entre des particules agitées.
2/ Le développement de la précarité
Le développement mondial du PIB peut donner l’illusion d’une croissance
mondiale sans limite. Mais à y regarder de plus près, cette croissance
s’explique moins par le développement de biens réels que par l’explo-
sion (même instable) des cotations boursières, c’est-à-dire de la valeur
virtuelle des choses. En fait, au mouvement de compression brutale de
l’Espace/Temps issu de la disparition des intermédiaires se superpose
un mouvement de précarisation de l’économie réelle. La réduction du
stock de ressources disponibles, par exemple, ne concerne pas que les
hydrocarbures (pétrole, gaz et charbon). Elle affecte également les mé-
taux (comme le cuivre ou l’uranium), la taille des logements à Paris, les
produits de la mer (comme le thon rouge ou le saumon), l’air pur que
vous respirez, l’eau douce dont vous disposez pour arroser vos plantes