L'art de perdre son temps - page 36

C’est peut-être dommage. Les vacances invitent souvent
à la décontraction, à l’ouverture, à la prise de recul et tous
ces phénomènes facilitent considérablement l’esprit de
synthèse et l’imagination de solutions inédites.
Tout se passe comme s’il y avait deux temps pour le
cerveau. Un «
temps intensif
», propice à la concentra-
tion, à la rigueur, au rendement quantitatif et un «
temps
extensif
», propice non seulement à la fantaisie, mais
aussi à une certaine forme de lucidité, permise par la
prise de recul.
On admire tellement mieux le Mont Blanc quand on n’a
pas le nez dessus !
Personnellement, toutes les décisions importantes de ma
vie, je les ai prises en vacances. Parfois dans le train du
retour, à une heure de chez moi. Tout se passe comme si
l’oubli des urgences me permettait enfin de me consacrer
un peu à ce qui est réellement important, c’est-à-dire à ce
qui est si important que ce n’est plus urgent, comme la
détermination des critères qui décideront en dernier
recours de la réussite ou de l’échec de ma vie.
Attention ! Je ne suis pas en train de faire l’éloge des
vacances au détriment de la vie professionnelle. Des
vacances éternelles ne seraient pas seulement insuppor-
tablement ennuyeuses. Elles seraient aussi complètement
stériles du point de vue de la réflexion ou de la création
personnelles.
Il me semble que l’idéal réside dans une alternance inten-
sive. Les idées lumineuses ne se rencontrent guère dans
la concentration extrême. Elles ne prolifèrent pas non
plus dans l’oisiveté ludique. Là où elles ont le plus de
chances d’apparaître, c’est dans les situations d’alternance
intensive de ces deux états contradictoires. L’état de
concentration sème. L’état d’oisiveté ludique moissonne.
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