L'art de perdre son temps - page 43

Pratiquer l’Immobilisme
J
’ai rencontré hier un ami malheureux, Michel, qui m’a
demandé très sincèrement quelles étaient les raisons
que j’avais de vouloir continuer à vivre.
Je lui ai répondu, tout aussi sincèrement, que j’avais le
sentiment de vivre l’une des générations les plus intéres-
santes de l’histoire de l’humanité. Je pense que ma géné-
ration coïncide avec une révolution aussi importante que
celle de l’introduction de l’écriture, avec cette différence
que l’introduction de l’écriture s’est effectuée en pas moins
de quatre millénaires, tandis que la révolution à laquelle
j’assiste s’effectue en seulement quelques dizaines d’années :
le temps de ma génération.
J’ai actuellement 41 ans. Quand je suis né, la Terre était
couverte d’une multitude de réseaux locaux repliés sur
eux-mêmes : des entreprises, des organisations locales,
des familles « nucléaires ».
Quand j’aurai des cheveux blancs, la terre sera comme un
immense cerveau. Chacun de ses habitants sera comme
un neurone, en interconnexion potentielle et directe avec
chacun des 8 milliards d’autres.
On ne parlera plus alors d’ordinateur, de téléphone ou de
télévision. Les trois machines se seront depuis longtemps
miniaturisées et auront fusionné en un seul appareil, le
«
terminal multimédia de poche
» (ou «
TMP
»).
Ce terminal multimédia de poche donnera en théorie la
possibilité à chacun des Terriens non seulement de se
mettre en contact avec chacun des autres, mais encore
d’accéder, de façon quasi instantanée, à la totalité de l’in-
formation existante, celle des morts et celle des vivants.
Les conséquences sont incalculables :
— Les notions industrielles de « capitalisation » et de
1...,33,34,35,36,37,38,39,40,41,42 44,45,46,47,48,49,50,51,52,53,...140
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