télécommunication, le monde entier peut parfois accéder
à certains de ses produits, comme des conférences ou
des tableaux. Il n’a donc pas à se soucier de la quantité de
sa clientèle : la technique s’en charge. Et tout entier, il
se consacre à ce qui fait précisément sa réputation : la
qualité de son travail.
L’arrivée au pouvoir de la classe des experts ne se fera pas
sans l’introduction d’une nouvelle fracture sociale. D’un
côté, les « experts », ceux qui sont allés très loin dans la
connaissance, le savoir ou le savoir-faire. De l’autre, les
généralistes, les « nouveaux barbares », ceux qui savent
tout faire et rien faire, ceux qui, peut-être à cause des
circonstances, peut-être à cause de moyens génétiques
plus limités, n’ont pas su, pas pu ou pas voulu accéder
à l’excellence dans une spécialité utile. Ceux-là sont
relégués dans l’exclusion ou parqués au contraire dans
des centres de loisirs, façon Mickey, pour préserver la
paix sociale.
L’expertise n’est pas, comme un diplôme, une casquette
que l’on obtient un jour dans sa jeunesse, et qu’on garde
ensuite sur la tête jusqu'à la tombe. Elle nécessite au
contraire une reconquête permanente. Car la concurrence
est devenue impitoyable. Avec Internet et ses succes-
seurs, tout se sait, par tout le monde et partout dans le
monde, dans les moindres détails. Dès que l’excellence
est atteinte par un cuisinier de Patagonie dans l’art de
cuire la viande de mouton, des concurrents écossais ou
tibétains se mettent à l’imiter. Dès qu’un chercheur fran-
çais découvre un vaccin contre le cancer, des concurrents
chinois revendiquent la paternité d’un vaccin similaire.
L’abondance des élites et de leurs productions fait que
tout succès, tout chef-d’œuvre, toute découverte fonda-
mentale se périme et passe de mode rapidement. Les
capacités d’information humaines sont limitées, et il faut
bien laisser de la place aux autres. « Se reposer sur ses
et d’en faire perdre aux autres
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