18
D
ictionnaire
des mots
en
voie
de
disparition
Google), un site de vente de livres d’occasion (comme Chapitre.com) ou
une bibliothèque municipale, autant il est de plus en plus difficile de
pouvoir se concentrer sur la lecture complète d’un livre de la première
à la dernière page sans être dérangé par des obligations professionnelles,
les sollicitations de votre iPhone ou de votre Blackberry ou par l’arrivée
intempestived’une offre publicitaire dans votre boîte de réception (ou
sur votre implant cérébral).
Ce qui prend au fil du temps de la valeur, ce ne sont donc plus les lieux
où l’information est disponible mais ceux où elle ne l’est pas : un déplace-
ment s’opère de la Culture de l’Abondance à la Culture du Vide.
L’avenir de la bibliothèque est à l’aménagement d’un temps de lecture sé-
rieusement protégé de toutes les turbulences extérieures. On peut ainsi
imaginer, de manière idéale, des centres de retraite éloignés des grandes
villes et qui ressemblent aux monastères d’autrefois. On y réside le temps
de son séjour dans une petite cellule bien éclairée et silencieuse, pour-
vue d’un mobilier minimal : un lit, une table, une chaise, une lampe de
bureau. Les prises de repas y sont faciles mais flexibles. Les promenades
solitaires dans un jardin ou sous les arbres y sont possibles à n’importe
quelle heure. Le téléphone et la télévision n’y sont pas plus autorisés que
les visites. Les échanges avec l’extérieur ne peuvent s’y faire que par e-mail
et à certaines plages horaires prédéfinies par l’usager.
On peut également imaginer à proximité de votre domicile, l’aménage-
ment d’une cellule monacale de concentration, lumineuse, climatisée,
insonorisée, déconnectée de tous les bruits du monde.
Pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir une retraite zen ou un
bunker privé, un commerce nouveau fleurira peut-être également aux
antipodes du cybercafé collectif : le « café isoloir » qui offrira aux ama-
teurs de recueillement de petites alvéoles silencieuses à la façon de nos
églises d’autrefois.
Enfin, dans les écoles, dans les universités ou dans les centres de forma-
tion, des « points de recentrage » seront organisés afin de permettre
aux étudiants de switcher un moment du mode absorption au mode
réflexion.
La valeur ajoutée des bibliothèques du futur se situera donc dans leur
capacité de soustraction aux tentations, aux invitations, et aux turbulences
du monde.