L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
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B
ienveillance
Lorsque l’on est 70 passagers dans un canot de sauvetage qui peut en
porter 30, peut-on vraiment regarder son voisin avec beaucoup de
bienveillance ? La démographie explosive, conjuguée aux changements
climatiques, peut-elle inviter au sourire amical ? Des rats bondés dans
une cage surchauffée peuvent-ils être bienveillants ?
B
onheur
A priori
la douce France a plus d’un atout dans sa poche. Son climat
tempéré, son abondance en eau et en terres fertiles, la diversité de ses
paysages, sa localisation en entonnoir à l’extrême ouest de l’Eurasie et,
plus que tout, sa localisation au centre de l’Europe et du monde, en font
l’enfant chéri de la géographie. Si un extraterrestre ne disposait que d’un
atlas pour choisir son lieu de résidence sur notre planète, il y a bien des
chances qu’il choisirait notre pays. Si les pays du monde étaient les mai-
sons d’un village, ce serait celle-ci qu’il faudrait habiter.
Cependant, bien des Français ne sont pas aujourd’hui satisfaits de leur
sort. Selon eux la vie est de plus en plus chère, l’industrie expatriée, les
valeurs en déclin. Beaucoup parlent de décadence mais peu sont prêts
à renoncer à la surabondance d’avantages sociaux qui précipitent préci-
sément cette décadence. Les visages sourient peu dans les rues. Les rires
sont devenus rares. La tristesse semble souvent régner chez les retraités
ou chez les écoliers, dans les familles ou dans les entreprises.
Un petit voyage autour du monde révèle qu’avec moins de privilèges
géographiques, bien des peuples paraissent moins malheureux de leur
situation. Les Japonais par exemple semblent s’épanouir beaucoup plus
au travail. L’âge de la retraite une fois atteint, ils continuent souvent à
travailler, quitte à changer de profession pour devenir par exemple chauf-
feurs de taxis. Le travail n’est pas pour eux une corvée épouvantable
dont il faille raccourcir la durée à tout prix : il est au contraire une raison
de vivre, une source d’équilibre, une occasion de faire des rencontres ou
d’avoir des échanges dans la vraie vie. Les enfants canadiens ne détestent
pas l’école. À vrai dire celle-ci semble conçue pour eux, centrée sur eux,
à leur service. Toutes les occasions y sont bonnes pour y pratiquer des
sports de plein air. Les maîtres n’y sont pas des maîtres mais des éduca-
teurs préoccupés de l’épanouissement personnel de l’enfant plutôt que