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D
ictionnaire
des mots
en
voie
de
disparition
lieux sociaux, ne sera sans doute jamais complètement résolu. Ce qui est
certain, c’est que la tendance lourde depuis déjà deux décennies et dans
le monde entier est à la privatisation. Quels que soient la force et le bien
fondé des résistances, on ne pourra donc sans doute pas empêcher le
système éducatif français de s’intégrer davantage à la logique du marché.
L’école va donc, au moins partiellement, se rallier rapidement au modèle
de l’industrie du divertissement avec sa liberté, sa flexibilité, sa séduction,
mais également ses inégalités.
Toute entreprise privée recherche d’abord des progrès continus en
termes de bonne gestion. Il est donc clair que tout ce qui peut faire
faire des économies sera tenté, un peu comme cela a été entrepris chez
l’opérateur Orange après sa privatisation. On peut donc s’attendre à la
réduction de personnel partout où cela sera possible, à l’accroissement
des objectifs, des récompenses, des sanctions, de la pression, du stress
et du taux de suicide pour les personnels restants. On peut s’attendre à
l’automatisation la plus poussée possible des procédures administratives
sur Internet. On peut s’attendre au développement florissant de logiciels
de télé-auto-évaluation ou de télé-auto-formation.
Mais toutes ces évolutions néolibérales connaîtront rapidement leurs
limites dans la mesure où aucune industrie ne peut prospérer sans la
création continue de nouvelles valeurs marchandes qui la différencient
de la concurrence. Or nulle part plus que dans le secteur de l’Éducation,
la création de valeur dépend surtout de la qualité de la Relation de
personne à personne. Autrement dit, l’économie de la Formation, pour
progresser en termes économiques, va devoir opérer sa révolution et
basculer d’une logique de traitement de l’information à une logique de
traitement de la relation. Les entreprises éducatives de demain vont se
trouver confrontées à un marché clairement segmenté entre, d’une part,
un sous-marché de masse acceptant le principe d’une automatisation
poussée en contrepartie de tarifs hautement compétitifs et, d’autre part,
un marché de luxe, infiniment plus juteux, où la valeur ajoutée se crée sur
l’excellence d’une relation individuelle entre un individu à former et des
individus formants, qui devront non seulement être compétents mais
aussi pédagogues, patients, gentils, aimables, présentant une belle allure,
etc. Le précepteur des familles aristocratiques de jadis va sans doute
revenir à la mode, à ceci près qu’il sera encadré, soutenu, « marketé »
et commercialisé par des entreprises spécialisées qui se chargeront aussi
de le former lui-même continuellement et de mettre à sa disposition