L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
55
D
La logique du Vélib, puis de l’Autolib, déjà en usage aux États-Unis
(Zipacar.com)
, introduit ces pratiques dans le monde matériel. Ne dis-
poser d’un vélo ou d’une voiture que le temps du besoin est à la fois
pratique, économique et agréable. Cette formule vous fait gagner un
temps précieux en termes de maintenance, de gardiennage, de recherche
d’une place de stationnement aux heures de pointe. Ici encore ce qui
compte ce n’est pas la propriété individuelle, c’est l’utilisation, la jouis-
sance, la qualité effective du temps passé. La pratique de la propriété
partagée vous affranchit des pesanteurs habituelles.
On peut étendre aux domiciles cette pratique des véhicules et imaginer
un concept nouveau, celui de « domilib ».
Un simple mot de passe ou la présentation de votre index à un lecteur
et vous voici chez vous, tout de suite, partout, sans même avoir eu de
bagages à transporter. Votre abonnement à un réseau ou à un site web
vous permet de bénéficier, moyennant une honnête contribution (men-
suelle ou annuelle) d’un réseau de lieux d’habitation tous équipés en
literie, en matériel de cuisine, en électronique de pointe.
Les domilibs sont tous aménagés de façon similaire, un peu à la façon
des chambres Novotel, afin que leurs occupants « multisédentaires » s’y
sentent immédiatement à la maison.
Le domilib n’est pas distribué à l’ancienne en de multiples pièces comme
la cuisine, la salle à manger, le salon ou le bureau, chacune dévolue à
un usage particulier. Comme la population des mégalopoles ne cesse
d’augmenter, le coût du mètre carré ne cesse de grimper. Le temps est
venu de se montrer intelligent. Une même pièce, vaste, lumineuse et
insonorisée, peut servir à tous les usages. Il suffit pour cela de disposer
de quelques meubles légers, faciles à démonter et à ranger dans un vaste
placard. Quelques matelas enroulés, une ou deux tables pliantes, des
sièges et de nombreux coussins de soie peuvent suffire à rendre une
pièce fonctionnelle, agréable et même luxueuse. Car le vrai luxe, c’est
aujourd’hui l’espace. Mieux vaut donc une seule grande pièce modulable
qu’un assortiment de petites. Les exceptions (car il en faut) ne sont
vraiment justifiées que pour les pièces d’eau et les chambres d’invités
ou d’enfants. Le besoin d’isolement constitue la seule vraie limite de
ce système.
Un domilib n’étant pas utilisé tout le temps, il n’a pas besoin d’être
chauffé, climatisé, musicalisé ou éclairé en permanence. Il gère donc