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D
ictionnaire
des mots
en
voie
de
disparition
Tout le monde ne peut pas s’offrir un MBA à 60 000 € par an à l’INSEAD
et c’est pourtant ce qui fait quelque part la valeur du diplôme. Pour cette
même raison, ce genre de diplôme traduit l’intégration sociale plus que
la compétence technique. Il ouvre la porte à des statuts de droit plus
qu’à des statuts de compétence.
Apanage de rentiers, qui se le transmettent, comme un flambeau, de
génération en génération, le diplôme produit doublement de l’arrogance :
l’arrogance du nanti et l’arrogance de l’incapable qui se réfugient derrière
une façade. Il suffit de se rendre dans les couloirs ou dans les cours d’une
école de commerce prestigieuse pour se rendre compte à quel point cet
univers manque de compassion.
En fait, toute école de commerce cherche à obtenir trois sortes de
résultats :
– muscler le narcissisme des élèves au prix d’un lavage de cerveau
permanent ;
– les inscrire à l’intérieur d’un réseau social où ils pourront se retrouver, se
coopter, se congratuler, se reproduire, etc. ;
– dispenser un vocabulaire technique assez abscons qui permettra aux
« alumni » (= « anciens élèves ») de se reconnaître entre eux en écartant
les autres.
Les connaissances théoriques enseignées dans les grandes écoles se
périment en général assez vite. Les compétences vraiment utiles, pra-
tiques, actualisées ne peuvent s’acquérir qu’au cœur des entreprises de
pointe. Elles ne peuvent plus être acquises comme autrefois dans une
école car les enseignants des écoles peuvent difficilement être à la fois
des sentinelles du savoir et des professionnels en relation avec une réalité
mouvante. Ces compétences ne peuvent pas non plus être acquises une
fois pour toutes car le tempo du changement et l’explosion des connais-
sances n’ont jamais été aussi importants qu’en ce moment. Le principe
même de la certification définitive consacrée par un diplôme est devenu
un oxymore, une aberration. En nos temps bouleversés de mutations
incessantes, le savoir est devenu, comme l’eau d’un fleuve, continuelle-
ment changeant. Il ne peut être accessible qu’au moyen une formation
permanente et collecté sur le terrain, là où il sert vraiment, pour être
utilisé le temps éphémère de son utilité.
À quelques exceptions près comme la médecine, le diplôme rejoindra
donc le cimetière des éléphants.