concentrer toutes ses forces en un seul point au moment
décisif. Le sujet dont la vie garde un sens, au troisième
millénaire, est celui qui, dans un énorme mouvement de
fermeture, reste capable de privilégier un point, un pro-
jet, une valeur au détriment de tous les autres.
Un seul conseil vaut tous les autres pour celui qui met le
pied au troisième millénaire :
Concentre-toi sur un métier ou une spécialité, une
poignée d’êtres chers, quelques artistes ou quelques
auteurs (voire quelques œuvres), puis mets un filtre
entre toi et le reste du monde.
Sinon tu seras mangé.
Si tu veux maintenant avoir la vie, classique, d’un paquet
de nerfs épuisé, réagissant à tous les coups d’épingles qui
l’assaillent :
Succombe à toutes les sollicitations dont tu
seras l’objet chaque jour.
Ne renoncer à rien
L
e problème essentiel de l’animal humain fut, pendant
trois mille millénaires au moins, celui de la pénurie :
pénurie de nourriture ou pénurie d’information. D’où la
constellation des idéologies traditionnelles : bouddhisme,
judéo-christianisme, marxisme, qui, toutes, sont des idéo-
logies de la précarité. On manque cruellement de tout : il
faut s’y faire, s’y résigner, voire s’y complaire, ou au
contraire se révolter.
Voici que depuis trente ans et pour la première fois, la
situation est presque devenue exactement l’inverse pour
L’art de perdre son temps
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