L'art de perdre son temps - page 107

quelques centaines de millions de privilégiés : surabon-
dance de nourriture dans le buffet des grands hôtels,
surabondance d’information toute la journée grâce à
l’omniprésence de la télévision dans les avions, les trains
et les lieux publics, surabondance des possibilités de
loisirs ou de rencontres. L’« Hyperchoix » de Toffler vous
inonde, vous et moi, constamment.
Lorsque vous avez faim, la vie est une chose simple.
Vous recherchez du pain.
Vous possédez une direction.
Quand la surabondance de nourriture(s) est évidente, la
vie devient bien plus difficile à vivre. Personne n’est plus
là pour vous dire où aller (ou ne pas aller).
Descartes écrit que, dans une forêt, le voyageur qui
marche toujours dans la même direction a plus de
chance de s’en sortir que celui qui zigzagouille dans tous
les sens. Qui veut tout faire ne parvient à rien.
La capacité de travail, la non-rechignance devant la
besogne ingrate, dépeinte il y a moins d’un demi-siècle
encore comme une vertu est également en train de
ressembler peu à peu à un vice, dans une civilisation où
la question majeure n’est plus « Comment le faire ? »,
mais « Que faire ? » ou encore mieux : « Que ne pas faire ? ».
« Comment le faire ? » est de moins en moins un pro-
blème. Des capitaux énormes balaient chaque jour la
planète à la recherche d’entrepreneurs crédibles. Des
stages de formation plus ou moins gratuits vous sont
offerts par des tas d’organismes pour vous apprendre
toutes les techniques nécessaires. Cinquante millions de
personnes recherchent du travail rien qu’en Europe. Le
marché mondial est désormais à portée de votre main
pour pas très cher grâce à Internet ou à ses petits cousins.
Mais que faire ?
et d’en faire perdre aux autres
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