comme aujourd’hui le montant de son compte en banque
mais son savoir-faire pratique, technique ou relationnel.
La richesse s’intériorise.
Nous pouvons donc, sans trop de scrupule, nous libérer
de ce complexe d’insécurité, de cette peur de manquer
que nous tenons de nos grands-parents (et quelquefois
aussi de notre nature), de cette dépendance anachro-
nique, vis-à-vis des autres et des biens, de ce manque
d’autonomie, qui entrave notre efficacité et nuit à notre
adaptation aux exigences nouvelles de la civilisation
interactive.
La civilisation interactive aime les gens légers. Elle requiert
beaucoup d’autonomie car elle se nourrit des différences
individuelles et de leurs échanges enrichissants. Elle se
complaît dans l’atomisation de l’humanité en même temps
qu’elle tisse le grand réseau universel qui permettra
d’ici peu à chacun de communiquer avec chacun. Elle ne
peut s’accommoder des osmoses familiales, affectives ou
communautaires où chacun renonce à son identité pour
accéder à un semblant de sérénité. La civilisation interac-
tive exige des hommes un minimum de solitude : c’est,
pense-t-elle, le seul moyen de leur permettre d’échanger.
On n’échange pas grand-chose avec quelqu’un contre
qui l’on a le nez collé.
On ne saurait trop faire les recommandations suivantes à
l’enfant qui vient de naître et qui devra affronter ce
monde tout à fait nouveau :
Évite de t’attacher aux êtres et aux choses que tu
croises sur ton chemin. Tu es dans une civilisation de
l’éphémère où compte non l’être mais le pouvoir-être.
Or le meilleur moyen de pouvoir-être, c’est de ne pas
être et,
a fortiori
, de ne rien posséder.
Développe infatigablement par l’exercice ton potentiel
d’intégration relationnelle et technique. Comprends que
L’art de perdre son temps
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