L'art de perdre son temps - page 88

Réalisant que ce raisonnement était absurde, Hubert
s’arrêta brutalement sur la bande d’arrêt d’urgence et fit
pipi sur le bord de l’autoroute.
Certains carambolages tiennent à si peu de choses !
Depuis cette conversation avec Hubert, une révolution
monstrueuse s’est accomplie en moi. Je ne vois plus du
tout les choses de la même façon. Je respecte désormais
une philosophie de la vie, qui tient dans les recomman-
dations suivantes :
En toute chose, considère la fin. Si la fin n’est pas
bonne ou qu’elle est trop lointaine, arrête ton bras et
consacre plutôt ton temps à te faire plaisir.
L’excès de moyen étouffe souvent la fin. Méfie-toi
donc de la tentation perverse de la capitalisation exces-
sive des moyens. Trop de livres tuent par exemple la
lecture. Et c’est pourquoi il vaut mieux n’emmener
qu’un seul livre avec soi ou n’en avoir qu’un seul au
pied de son lit : le fameux « livre de chevet ».
Méfie-toi des outils qui deviennent des passions.
C’est trop souvent le risque majeur de la micro-
informatique. On s’imagine d’abord que c’est un
instrument merveilleux. On réalise ensuite qu’on en est
devenu l’esclave. Dans « passion », il y a « souffrance »
et « soumission ».
Prends le contre-pied de ta génération, qui se passionne
pour des outils et se désintéresse des finalités. Aie au
contraire les yeux braqués sur quelques objectifs à long
terme clairement posés et désintéresse-toi un peu plus
de la technique et de ses exigences. Le plus important en
toutes choses, c’est de ne pas perdre de vue le cap final.
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